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Campagne du Soldat Eugène François BROUSSELY

98éme Régiment d'Infanterie




Eugène François BROUSSELY est appelé à l'activité le 20 août 1917. Il arrive au 98ème Régiment d'Infanterie.



Combats de Béthancourt (17 septembre).


Le 16 septembre, le 98 cantonne en entier à Ribécourt. Dès le matin du 17, l'ennemi s'infiltre par le bois de Cambronne et menace de nous tourner. Le 3ème bataillon, rappelé en hâte de Ribécourt, résiste pendant 3 heures aux lisières sud de Béthancourt, temps suffisant pour permettre à un grand nombre d'éléments de la division de passer l'Oise au pont de Bailly. Il se replie ensuite sur un ordre du général de division. Pendant plusieurs jours, faisant tantôt face à l'est, tantôt face à l'ouest, nous tiendrons les ponts de Montmacq et de Plessis-Brion.



De Thourotte à Lassigny (18-29 septembre).


A St Léger, à Thourotte dans la forêt de Laigue, nous subirons l'artillerie lourde allemande et nous ragerons de ne pas en avoir à lui opposer. Nos pertes seront assez fortes, mais nous tiendrons. Et le 22, nous entrerons dans la bataille pour Lassigny. Là, nous nous heurterons à la formidable organisation défensive que l'ennemi, né prudent, avait amorcée au cours de sa marche sur Paris. Engagés, sans reconnaissance préalable, dans la direction de la ferme La Taulette, les 1er et 2ème bataillons ne peuvent la dépasser. On s'accroche au terrain ; on creuse des trous qui deviendront des tranchées. La guerre de taupe, l'abominable guerre commence.



Bois des Loges (30 septembre).


Le 30 septembre au soir, le régiment se trouve en entier au Bois des Loges dont il occupe les lisières nord et nord-est, en liaison avec le 16ème régiment d'infanterie qui tient Canny, Fresnières et Crapeaumesnil. Le Bois des Loges est une position de première importance. Sa perte découvrirait Compiègne et la route de Paris. On le sait au 98ème aussi va-t-on déployer une activité inlassable.

Pendant la première quinzaine d'octobre, l'ennemi s'acharnera sur nous en pure perte. Il prendra tour à tour Beuvraignes, Crapeaumesnil et Fresnières. Le Bois des Loges sera menacé d'encerclement, mais envers et contre tout, nous le garderons.

Le 5, les Allemands attaquent le village ; ils peuvent même y pénétrer, mais une habile contre-attaque menée par le sous lieutenant Le Moël nous rend la position et cueille 250 prisonniers. Le 7, 4 régiments tentent de nouveaux d'enlever les Loges. Endiablés, nous luttons corps à corps dans les rues du village et sur le parapet de nos tranchées. Nos pertes sont graves, mais nou restons maîtres du terrain en faisant 400 prisonniers. C'est par centaines que les cadavres boches mordent la terre. Dans la nuit du 11 au 12, une patrouille du 121ème régiment d'infanterie, dont un bataillon est venu nous renforcer, trouve parmi les morts le drapeau du 49ème Poméranien. Cet abandon fait par l'ennemi prouve à lui seul l'ardeur de la lutte ! Il nous appartenait, ce drapeau. Le 98ème en revendiquait la propriété.

Entré dans ce Bois le 30 septembre, le 98ème y restera plus d'une année. Il apportera un tel soin à l'organisation et à la bonne tenue de son secteur, si parfaits seront la discipline, la vigilance, l'état sanitaire, l'esprit de corps.

A dater du 9 octobre, les Allemands ne tenteront plus de nous arracher les positions des Loges : ils savent que ce serait en vain. Mais pour se venger, ils ne cesseront de nous prodiguer balles et obus. Et nous nous installons aux Loges.

Notre premier soin fut d'assainir le champ de bataille. Un millier de boches y gisaient, sans sépulture. Toutes les nuits, et pendant des mois, sous la protection de patrouilles, on circule avec ses brancardiers et ceux du GBG en avant de nos réseaux. Les premiers morts ramenés sont enfouis dans des fosses communes. Les autres, ils sont si nombreux, si décomposés, si puants, qu'on ne peut que les arroser de goudron et les incinérer pendant la nuit.

Les éléments de tranchées, les trous de tirailleurs sont réunis et approfondis. La lisière du bois est bientôt gardée par une ligne continue où l'on peut circuler à l'aise, à l'abri des vues et des balles. Officiers et soldats, nous avions été instruits pour la guerre en rase campagne. La guerre de taupe nous trouva tout d'abord un peu désemparés. Les créneaux subiront diverses transformations ; reconnus inutiles, voire même nuisibles, ils seront supprimés. Chacun aura alors sa place de combat sur la banquette de tir pour l'utilisation de son arme à bras francs.

En arrière sont les PC et les points de ravitaillement. Pour les atteindre sans danger, on créera les boyaux. Le Bois des Loges en sera sillonné.

Mais vient l'hiver, le plus terrible ennemi des troupes en secteur. Les banquettes et parapets de tir s'érosent et s'éboulent. on clayonne. Les écopes les plus diverses et les plus imprévues vident boyaux et tranchées devenus des ruisseaux de boue. Des équipes de cantonniers font des chemins de rondins. On organise des ateliers de schlittage et de réseaux. Pour généraliser dans le régiment les découvertes intéressantes, une école de pionniers est créée.

Pendant la période agitée d'octobre, les unités en ligne refusèrent le repos qu'on leur offrait à quelques kilomètres en arrière. En diminuant la densité des troupes en tranchées, le commandement se créa des réserves. Les bataillons alternèrent pour aller passer quelques jours au repos. Les hommes purent se détendre, dormir, se laver.

La coopération du 100ème puis du 70ème territorial rattachés au régiment et peu à peu amalgamés, facilita, au début de 1915, le jeu de ces relèves partielles.

Conchy les Pots jusqu'en juin, et Rolliot jusqu'en septembre 1915, furent nos cantonnements de rafraîchissement.



Secteur de Plessier le Roye (avril - mai 1915).


Pendant les mois d'avril et de mai, nous tenons le secteur de Plessier le Roye. Le 1er juin, nous reprenons le secteur du Bois des Loges que nous quitterons en juin.



En arrière du front - Secteur d'Attiches (26 septembre 1915 - 24 février 1916).


Octobre et novembre nous verront en déplacements continuels en arrière du front, entre Montdidier et Demuin. Dans le secteur de la Ferme d'Attiches, de fin novembre à fin janvier, nous mettrons à profit l'expérience acquise dans l'organisation du Bois des Loges. Et quand, le 1er février, on nous embarquera en chemin de fer par alerte pour nous transporter au sud de la Forêt de Compiègne, nous serons frais, dispos, alertes, le coeur et le corps bien en forme, parés, comme disent les marins, pour toutes les aventures.

Verdun - Mort-Homme (25 février - 17 mars).


La bataille de Verdun a commencé le 21 février. En effet, le 25 février, le régiment s'embarque en chemin de fer à Pierrefonds et descend à Revigny. Alors, commence une série de marches sur un sol dévasté, massacré par les obus, à travers de villages que les boches ont incendiés à la main. Et nous atteignons le Bois Bouchet où, glacés jusqu'aux os, nous dormons à poings fermés sous nos toiles de tente. Le 11 mars, nous sommes aux Bois Bourrus et le 12, à 4 heures, nous attaquons le Bois des Corbeaux. Les bataillons s'avancent dans un ordre parfait, parce qu'ils ont la chance de n'être bombardés que par des obus de gros calibre. Et ils franchissent la tranchée de 1ère ligne où sont blottis quelques éléments du 139ème et du 92ème. Mais ils n'ont pas plutôt atteint la crête, face au Bois des Corbeaux et à Cumières, qu'ils sont arrêtés par le feu des mitrailleuses tapies aux lisières du bois. Il est absolument impossible de progresser. Nos pertes sont graves.

Ordre nous est donné de nous replier sur les tranchées arrières. Jusqu'au 17, nous irons et viendrons sur ce sol chaotique. Nous subirons des bombardements, des tempêtes inouïes d'obus qui brisent les nerfs et broient la pensée. À plusieurs reprises, le boche nous attaque avec vigueur, mais nous l'arrêtons malgré ses seringueurs d'huile enflammée. Le 1er bataillon avait reçu une mission spéciale. Le 8, il nous avait quittés. Il avait franchi les Bois Bourrus et le dangereux carrefour de la Ferme La Claire, traversé les pans de murs que furent Chattencourt et progressé lentement, péniblement, en poussière humaine, jusqu'à ses emplacements définitifs. Enfin, il tente à plusieurs reprises d'enlever 2 ouvrages cerclés d'épais réseaux. Émietté, il se replie sur le Mort-Homme. Là, c'est l'enfer, le fracas des gros obus dont les énormes panaches noirs ou jaunes sales s'étalent comme pour envelopper le mont d'un suaire. Rien n'y fera. Nous resterons maître du Mort-Homme et des milliers de boches mordront le sol.

La 2ème compagnie se distingua tout particulièrement au cours d'une de ces terribles journées.



Secteur Nouvron - Vingré (23 avril - 15 octobre).


Après quelques jours d'un repos très relatif au Bois Bouchet, on nous embarque en autos, puis en chemin de fer, et nous cantonnons près de Crépy en Valois. Nous quittons ce délicieux pays le 23 avril pour aller remplacer en ligne, dans le secteur de Nouvron - Vingré, le 352ème d'infanterie, régiment du lieutenant-colonel Gaube. C'est un secteur organisé, mais il y toujours à faire, d'autant que par ses mines l'ennemi s'entend à nous donner du travail. Comme toujours, on se met à la besogne avec le plus parfait entrain. Nous construisons des abris, des PC ; des grottes sont aménagées. Et, pour nous renseigner sur le dispositif de bataille de l'ennemi, nous faisons des coups de mains.

Le régiment est en forme ; les effectifs sont presque au complet, grâce à un renfort de la classe 1916. C'est à cette époque que la 4ème compagnie de chaque bataillon quitte le régiment de combat pour constituer un petit dépôt divisionnaire qui s'appellera le CID. C'est le réservoir où l'on puisera, la veille des attaques, pour renforcer les effectifs, et, le lendemain, pour combler les vides.

Le 30 septembre, nous sommes au camp de Crèvecoeur où passe à tour de rôle les divisions pour y faire quelques jours d'instruction intensive. Nous y apprenons les nouvelles méthodes d'attaque avec tous les moyens dont dispose l'infanterie, nous étudions les liaisons avec l'artillerie, par la saucisse, l'avion, la TPS et la TSF.



Bataille de la Somme (16 octobre - 13 novembre).


Cependant que Verdun subissait les formidables assauts du Kronprinz, la France et l'Angleterre préparent à une forte offensive sur la Somme. Elle devait y attirer les disponibilités allemandes et par là même sauver la forteresse. Cette offensive, commencée avec brio le 1er juillet, bat encore son plein quand nous y entrons le 16 octobre.

Jusqu'au 22 octobre, nous sommes maintenus en 2ème ligne. Le ciel fourmille d'avion et de saucisses. Notre artillerie fait rage avec ses pièces lourdes : 305, 340, 400. L'ennemi qui possède également de puissants moyens répond furieusement ; si formidable est le vacarme que l'on s'écrira : C'est l'enfer de la Somme.

Le 23, malgré un fort bombardement, nous relevons le 1er zouaves et le 9ème tirailleurs sur les positions qu'ils ont conquises dans les bois au nord de Chaulnes. Et nous préparons de suite l'attaque du bois Kratz et du Pressoire. Travail pénible toujours à refaire, car la pluie incessante transforme le champ de bataille en un lac de boue où l'on s'enlise presque. Les corvées s'égarent, les ravitaillements de toutes sortes se perdent ; s'ils arrivent, ils sont sales et parfois inutilisables. La vase est si profonde et si gluante que beaucoup d'hommes coupent, pour s'alléger, le bas de leur capote. Détrempées, les semelles des souliers restent collées au limon. On se chausse de sac à terre.

Et le marmitage poursuit sa fureur et les pertes sont lourdes. La fatigue impose des relèves fréquentes. Mais, le 7, les zouaves remportent un succès. Nous les relevons dans la nuit. Tout est à faire sur ce terrain qu'ont bouleversé profondément nos obus. Et cependant, il faut se terrer et se tenir prêt à repousser les inévitables contre-attaques. Elles viennent. Mais, comme les fatigues endurées n'ont pas entamé notre moral, nous clouons l'ennemi sur place et lui infligeons des pertes sanglantes.



Secteur de Chilly (14 novembre - 14 décembre).


Après nous être rafraîchis quelque jour à Plessiers - Rozain - Villers, nous occupons près de Chilly des tranchées où les boches ont vécu pendant 3 ans. La pluie érode aussi bien le sol où se cachent les taupes boches que celui où nous nous terrons. Certes, les abris ne manquent pas, mais ils sont étroits, l'ouverture est petite ; le plafond est tellement bas qu'on ne peut se tenir droit. Bref, tout est à l'avenant. En rien l'allemand n'est notre maître, sauf dans le crime.



Repos à St Thiebault (20 décembre 1916 - 22 janvier 1917).


Puis, par étapes, nous gagnons Villers-Cotterêts, où nous nous embarquons en chemin de fer pour St Thiebault. Nous y passons, dans un repos complet, les jours de Noël et du nouvel an. Il fait froid, la neige tombe, mais nous sommes chez de si braves gens ! L'instruction est reprise.

La fin de janvier nous trouve dans des baraquements bien aménagés sur les bords de l'Oise. L'hiver est rude. Mais résistants, pleins de sève, nous supporterons facilement cette vie. Et puis le travail, si pénible soit-il, est des plus attachant Nous créons des boyaux larges où pourrait passer une voiturette de mitrailleuse. Nous creusons d'autres longs boyaux plus larges encore et on nous dit : ce sont des boyaux d'évacuation.

Nous voici dans le secteur de Plessiers de Roye dont nous connaissons les moindres détails. Là, devant nous, Lassigny et le Plémont, dominant le terrain vaseux où, à force de clayonnage, nous circulons vus jusqu'à mi-corps. Les préparatifs d'attaqu se multiplient, l'artillerie de tous calibres crée des emplacements de tir pour volatiliser Lassigny et le Plémont ; le génie accélère la construction des lignes téléphoniques enterrées et d'abris de munitions. Mais comment se fait-t-il que notre activité, vue des avions ennemis, marquée sur le terrain malgré les plus habiles camouflages, n'attire pas les bombardements ? Ce silence presque tota nous inquiète.

Aussi bien, pressés vigoureusement par les Anglais, les Allemands reculent, mais en bonne ordre. Est-ce le repli général dont les journaux parlent tant ?



Le repli allemand sur la ligne Hindenbourg - la poursuite.(16-22 mars).


Décidément, le vautour boche a du plomb dans l'aile. Les journaux allemands, dont nous lisons chaque jour des extraits dans les nôtres, annoncent un repli stratégique sur une puissante ligne Hindenbourg. Notre haut commandement, très avisé, se renseigne par tous moyens, tout en continuant la préparation offensive de grand style. Il la déclenchera dans la forme prévue, en se réservant de la modifier au cours de son exécution.

Le 16 mars, l'ordre d'attaque générale est donné. La mission du 98ème est d'enlever Lassigny et d'atteindre les pentes de Plessis - Cacheleux. À droite, les Bretons de la 61ème DI prendront le Plémont. Et le bombardement formidabl commence ! Il doit durer plusieurs jours. L'artillerie ennemie répond, mais peu. Dès la première nuit, des reconnaissances son envoyées. Elles ne rencontrent aucune résistance. C'est donc vrai, l'ennemi se retire. Le 2ème bataillon trouve Lassigny vide de boches. Le 3ème bataillon dépasse le 2ème et pousse jusqu'à la Divette. Pas un coup de canon, pas une balle. Des détonations et des lueurs lointaines signalent le recul des vandales. Mais ils occupent encore Plessis - Cacheleux. Nos 210 bombardent le village, puis 2 compagnies l'encerclent et cueillent une grappe d'ennemis laissés en arrière-garde.

Pendant 3 jours, nous marchons sans voir notre adversaire, mais c'est à chaque pas que nous trouvons trace de so passage. Dans les villages ruinés par les explosifs, l'incendie et la hache, se jettent vers nous des civils français ; leur joie est si profonde qu'ils ne savent comment nous l'exprimer. Tous disent : Ils nous ont volés, pillés, mais ils crèvent de faim. Puis ils nous mettent en garde contre la ligne Hindenbourg savamment organisée. Tous les carrefours ont été minés ; immenses sont les entonnoirs ! Les pionniers ont du travail, mais c'est à qui les aide pour faciliter la progression de notre artillerie, ardente à nous suivre.

Le 20, le contact est pris aux abords de Liezest. De très nombreuses mitrailleuses interdisent le canal Crozat. Toutes les passerelles ont été détruites, sauf celle de l'Ecluse. Et, quand même, Liez est enlevé en un tour de main.

Un repos nécessaire des 8 jours nous est donné.

Nous voici à Fluquières, en contact immédiat avec les troupes anglaises. Nous réfectionnons des tranchées de 2ème ligne qui, nous en sommes certains, ne serviront jamais, tant est grand notre foi en la victoire.

Puis nous allons relever le 90ème à Castres - Gauchy. Ici, pas de tranchées, et tout le terrain est vu des clochers de Saint-Quentin, surtout de la cathédrale. Vus de partout le jour, nous travaillons la nuit. Les artilleries adverses se bombardent sans interruption avec du gros.

Le soir de Pâques, Saint-Quentin est en feu ! Est-ce le signal d'un nouveau mouvement de recul ? Le commandement ne croit pas à un arrêt définitif des Allemands sur la ligne Hindenbourg. Il fait très froid ; il neige, il pleut, il vente ; la vie en secteur est des plus rudes, mais nous tenons sans nous plaindre et notre joie est immense en apprenant, le 9, qu'au nord de Saint-Quentin les Anglais ont fait 11 000 prisonniers.

Dans la nuit du 12 au 13 avril, notre artillerie fait rage. La mission du 98ème est d'enlever, le 13, à 5 heures, la 1ère position entre le canal de Saint-Quentin et la ferme du Pire - Aller. Premier objectif : la sucrerie de la Biette. À l'heure dite, le bataillon Lyet attaque avec vigueur. Deux compagnies franchissent tant bien que mal les 2 premiers réseaux de barbelés, mais elles sont arrêtées devant un 3ème. Les balles de mitrailleuses rasent le terrain et beaucoup d'officiers et de soldats tombent blessés ou frappés à mort. La compagnie de soutien a fait des prisonniers, mais le bataillon, malgré toute sa vaillance, a échoué. Il est contraint de se replier sur ses positions de départ.

Les lignes et les défenses ennemies se sont révélées puissantes. En leur état actuel, elles défient tout assaut. Cependant, le commandement prescrit, pour 18 h 30, le même jour, une nouvelle attaque. Elle sera faite par le bataillon Ferrard qui a relevé le 2ème. Les poilus savent bien que les 75 et les 155 n'ont pas pu détruire toutes les mitrailleuses et tous les barbelés en quinconce qui ont arrêté leurs camarades le matin, mais ils ont l'âme trop belle pour hésiter. Bravement, stoïquement, le vagues du 1er bataillon s'avancent dans un ordre parfait. Mitrailleuses et obus les éprouvent cruellement ; elles progressent quand même. La 3ème compagnie aborde les maisons de la Biette ; mais brusquement encerclée par un bataillon allemand, elle lutte en désespérée. Finalement, elle est prisonnière. La 2ème compagnie perd tous ses officiers et presqu tous ses cadres.

L'attaque n'a pas réussi, mais l'honneur est sauf. La 3ème compagnie, la 7ème compagnie et la 2ème section de mitrailleuses de la CM2 sont citées à l'ordre de l'armée.



Relève - Reconstitution du régiment (14 avril).


Maintenant, il importe par dessus tout de reconstituer le régiment dont le moral n'a pas été atteint par cet échec. C'est avec un moral complètement sûr que le 98ème remonte bientôt dans le secteur du Pire - Aller, où seule notre artillerie a beaucoup à souffrir des tirs de destruction de l'artillerie allemande. Le boche réussit pourtant sur nous un coup de main violent et rapide. Nous riposterions, mais le commandement estime qu'il est inutile de s'exposer à perdre des hommes pour la reprise de tranchées avancées de peu d'importance.

Après un propos relatif dans les ruines de Grand - Sérancourt, nous nous rendons à Villeselve et pour y savourer jusqu'au 10 juillet, la tranquillité la plus complète, dans la campagne fleurie. Puis, nous embarquons à Ham pour Vitry le François. Tout près de cette ville, dans le coquet village de Saint-Amand, nous vivons heureux, parmi des habitants très accueillants. Nous y fêtons le 14 juillet.

Les jours qui suivent sont employés à l'instruction des spécialités et des cadres. Le programme est varié sans être changé. Le 23 juillet, la division est passée en revue.



En route vers Verdun (28 juillet).


Le régiment est prêt, au moral et au physique, pour les missions les plus dures. Le 28 juillet, les autos nous emportent vers Verdun. Le 1er bataillon est laissé en réserve de Corps d'Armée à Rarécourt. Les 2ème et 3ème occupent d'abord les camps du Fer à Cheval et de Bretagne, puis remplacent en ligne le 147ème et poussent avec une grande énergie les travaux d'aménagement en vue de l'attaque décidée.

Le 10 août, on nous transporte à l'arrière dans la région de Charmontois. Avec le même soin que pour la préparation d'un coup de main, nous étudions les diverses phases de l'opération prochaine. Les tranchées sont figurées dans une grande prairie, l'avion de la DI participe à nos exercices ; chacun connaît son rôle ; tout est minutieusement réglé. Le mauvais temps ajourn l'attaque. Enfin, le 19, on nous conduit au camp du Fer à Cheval où sont distribuées les munitions et vivres en abondance. L'attaqu sera déclenchée le 20 à 4 h 50.

Le 19, à la tombeée de la nuit, les bataillons se dirigent vers les tranchées de départ. L'entrée en secteur est une opération très complexe. Les itinéraires reconnus ne peuvent être suivis. Le bois d'Esnes fourmille de colonnes qui se croisent pour monter au combat ; nombreux et divers sont les convois. L'artillerie allemande bombarde furieusement la nôtre qui fait rage ; les arbres volent en miettes. Il faut s'écarter des zones qu'ont arrosés les obus asphyxiants et l'ypérite ; la nuit est noire ; le vacarme, inexprimable. Un marmitage par obus à gaz coupe en deux le 1er bataillon. Mais toutes ces difficultés sont vaincues, et vers 2 heures chacun est à sa place de départ, dans des éléments de tranchées ou dans des trous d'obus.



L'attaque - Secteur d'Avocourt (20 août).


Le front de départ est de 800 mètres, les derniers objectifs à atteindre sont à 1200 mètres. 1er et 3ème bataillons en ligne, 2ème en soutien. 4 heures. Les hommes dormaient ; on les éveille. Heure H : 4 h 50. Les poilus jaillissent de leur trou. Le jour n'est pas né. Les vagues suivent de leur mieux sur le sol affreusement bouleversé le barrage roulant. À gauche, en liaison avec le 105ème le bataillon d'Humières gagne rapidement la lisière du Bois d'Avocourt. La 11ème compagnie subit de très grosses pertes, mais, soutenue par la 9ème elle continue sa progression. À l'extrême gauche, le peloton des grenadiers d'élite de ce bataillon dépasse la tranchée des Pins, attaque résolument à la grenad l'ouvrage Martin, et s'y installe de haute lutte. À droite, en liaison avec le 92ème le bataillon Le Gouas s'avance aussi très hardiment. Une première résistance dans la tranchée Gerock est brisée ; les mitrailleurs ennemis sont manoeuvrés et tués sur leurs pièces. Les nettoyeurs font bonne besogne. À 5 h 10, la tranchée des Joncs est atteinte. Debout sur la croupe conquise et se profilant sur le ciel, les hommes semblent grandis dans la brume et la fumée que dore le soleil levant.

Le butin est important : 19 mitrailleuses, 10 canons de tranchées, plus de 300 prisonniers.

La compagnie d'élite de la DI doit dépasser le 1er bataillon et occuper les ouvrages de Vassincourt. Elle ne peut qu'esquisser son mouvement. Arrêtée par une défense énergique de la tranchée Conrad elle perd tous ses officiers et se replie. Les objectifs sont conquis ; il faut maintenant les conserver. Minutieusement est organisée la liaison entre l'artillerie et l'infanterie. À 3 reprises l'ennemi contre-attaque. Mais nos feux l'arrêtent et le contraignent à refluer en désordre. Rageusement, il nous bombarde, nous tue des hommes, mais il ne peut nous empêcher de consolider nos positions. Un vide s'est créé entre le 1er bataillon et le 92ème RI. Au prix des plus lourdes fatigues, dans la nuit très noire, sous un bombardement intense, sur u sol inconnu d'elle et fait de trous d'obus sécants, la compagnie Belin, du bataillon Lyet peut parvenir à le boucher vers 2 heures du matin. Il était temps ! Un bataillon ennemi, tout frais, contre-attaque à l'aube. Nos fusées montent au ciel. Immédiatement, notre artillerie plaque son barrage puissant. C'est un spectacle inoubliable, une illumination de féerie. Nos obus hachent en deux le bataillon boche. Les vagues, qui ont dépassé notre barrage, tentent de nous envahir, mais, debout, baïonnette au canon, nous les recevons. Dans la fumée blanche de nos grenades, on voit des centaines de bras tendus. Les Allemands font Kamarad. De ce bataillon tout neuf et qui voulait nous dévorer, il ne reste que des prisonniers et des cadavres.

D'heureuses opérations de détail sont faites sur la tranchée des Platanes (7ème compagnie) et les abris de Vassincourt (grenadiers d'élite du 2ème bataillon).

Nous sommes presque épuisés et plein de poux. Mais le commandement ne peut nous satisfaire. Nous tenons. Enfin, le 30 août, le 328ème nous remplace.





Eugène François BROUSSERY décède le 20 août 1917 à Avocourt (Meurthe et Moselle).